Aller au contenu

 

Jeux de hasard et personnes aînées : quelles politiques privilégier?

Magaly Brodeur, chargée de cours en politique appliquée et double diplômée de l'UdeS, reçoit une bourse de 180 000 $ de la fondation Trudeau pour étudier la question

Magaly Brodeur
Magaly Brodeur
Photo : Fondation Trudeau

11 juin 2009

Robin Renaud

Ces dernières années, les débats entourant le rôle de l'État dans la gestion des jeux de hasard ont été nombreux. Comment trouver le point d'équilibre entre cette activité très profitable pour le trésor public, tout en luttant contre les effets destructeurs du jeu compulsif et les coûts sociaux qu'ils impliquent? La doctorante Magaly Brodeur, chargée de cours à l'École de politique appliquée, veut amener la réflexion encore un peu plus loin. Elle aborde les questions de responsabilité sociale, de gouvernance et de prévention liées aux jeux de hasard et d'argent face aux personnes aînées au Québec. Cette double diplômée de l'Université de Sherbrooke (Faculté d'administration et Faculté des lettres et sciences humaines) vient d'obtenir une prestigieuse bourse de la fondation Trudeau pour creuser la question.

Depuis le début de ses études universitaires, Magaly Brodeur s'intéresse à la gestion des problématiques sociales liées aux dépendances. Elle a consacré son mémoire de maîtrise en histoire à la régulation des jeux de hasard au temps de la prohibition. Dans le cadre de ses études de doctorat – à l'École nationale d'administration publique – elle se concentre sur la période contemporaine. Elle analyse la responsabilité sociale de l'État et des parties prenantes à l'offre de jeu.

Questions négligées

Si les enjeux liés aux jeux de hasard font souvent la une des médias, c'est surtout sous l'angle des problèmes liés au jeu compulsif. Au sein de la communauté scientifique, c'est également cet aspect qui a été le plus étudié, principalement par des psychologues et des spécialistes de la santé publique. Par contre, note Magaly Brodeur, peu de chercheurs se penchent sur la question de l'élaboration des politiques publiques dans ce domaine, explique-t-elle.

Ainsi, les recherches menées par la doctorante ne focalisent pas sur la problématique du jeu pathologique, dans une perspective individuelle. Elle aborde la question dans une optique sociale. Elle cherche à déterminer de quelle façon, dans la manière d'établir les politiques publiques, il est possible de minimiser les effets négatifs liés à l'offre de jeu de hasard et d'argent.

Valeurs à concilier

«Dans le domaine du jeu, diverses valeurs s'affrontent. Au cours du dernier siècle, le statut des jeux de hasard et d'argent est passé de vice à loisir», rappelle la titulaire d'une maîtrise en histoire. Pour la majorité de la population, le jeu constitue un loisir. En revanche, quelques individus développent une forte dépendance au jeu, qui devient pour eux un problème d'ordre médical. Faut-il prohiber tout simplement le jeu, ou réglementer fortement cette industrie? Cependant, si de telles mesures sont appliquées, d'autres voix crient à la violation des libertés individuelles. Que faire alors?

«Il s'agit là de questions extrêmement difficiles à résoudre parce que d'importantes valeurs telles que le bien commun, la liberté individuelle et la santé publique sont en jeu. Ainsi, dans le débat entourant le jeu, les préoccupations éthiques sont centrales et ne peuvent être laissées de côté», poursuit-elle.

Participation sociale

Pour aborder un dossier aussi complexe, la doctorante estime qu'il faut permettre à un grand nombre de voix de s'exprimer afin d'en arriver à des solutions qui feront consensus. «Dans notre contexte contemporain, marqué par la multiplication des acteurs sociaux, le pluralisme moral et la diversité culturelle, il est fascinant d'étudier le processus d'élaboration des politiques publiques et de tenter de trouver des méthodes pouvant faciliter la prise de décision politique, explique la doctorante. Ainsi, mes travaux ont, entre autres, pour objectif de faciliter le processus d'élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques, et ce, lorsque d'importants conflits de valeurs compliquent, voire paralysent le processus de prise de décision. À mes yeux, la clé se trouve dans le dialogue et dans l'intégration de la société civile à l'ensemble du processus d'élaboration des politiques publiques.»

Bourse d'exception

Magaly Brodeur a un parcours académique hors du commun. Elle a reçu plusieurs bourses ces dernières années, mais celle de la fondation Trudeau représente pour elle une occasion unique. «En plus de l'appui financier, les boursiers ont accès à un réseau de contacts incroyable formé de lauréats (chercheurs de haut niveau) et de mentors provenant de l'extérieur du milieu universitaire comme des juges, ex-ministres ou avocats, par exemple. Bref, la bourse Trudeau offre une interaction des plus stimulantes avec des leaders et des décisionnaires passionnés dans toutes les disciplines des sciences humaines et sociales.»

Il faut aussi noter que l'allocation annuelle de recherche (20 000 $) permet aux boursiers de diffuser leurs recherches aux quatre coins du monde, et de suivre des formations à l'étranger. Chose sûre, les recherches menées par Magaly Brodeur ont de fortes chances d'être suivies de près par les décideurs ces prochaines années.